Sarreguemines : Avec Mir redde Platt, une conférence pour combattre les discriminations liées aux langues régionales

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par Camille Bazin
mardi 23 septembre 2025 à 09:22

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Dans le cadre du festival Mir redde Platt à Sarreguemines, une conférence intitulée : "Discriminations : combattre la glottophobie" a lieu mercredi 24 septembre à la médiathèque de Sarreguemines. Elle s'intéresse aux discriminations en raison d'un accent ou d'une langue. On en parlait avec le conférencier ce matin dans le Grand Réveil.

Son N°1 - Avec Mir redde Platt, une conférence pour combattre les discriminations liées aux langues régionales

Philippe Blanchet – Professeur de sociolinguistique et didactique des langues à l’université de Rennes 

La conférence s’appelle « Discriminations : combattre la glottophobie ». Est-ce que vous pouvez nous donner une définition de glottophobie ? 

La glottophobie, c'est une façon de stigmatiser les gens, de se moquer des gens, ou même, pire encore, de les rejeter, de les discriminer, en utilisant comme motif pour ça, soit le fait que les gens parlent une langue qu'on ne veut pas qu'ils parlent, qu'on veut les empêcher de parler, soit qu'ils ont une façon de parler la même langue, par exemple une façon de parler le français, qui elle-même sert de prétexte à rejeter la personne.

La conférence est basée sur votre œuvre, du même nom. Pourquoi est-ce que vous avez décidé d'écrire un livre sur ce sujet ?

Le livre est sorti en 2016, il a été réédité en 2019. Ça faisait très longtemps que j'étudiais la question dans mon unité de recherche à l'université Rennes 2, et puis en commençant à présenter les résultats des travaux qui montraient qu'on avait effectivement affaire à une forme de discrimination qui était très répandue à des publics, disons, non spécialistes, les publics en question, les personnes en question m'ont assez rapidement convaincu de l'intérêt de cette question pour l'ensemble de la société et m'ont encouragé gentiment à écrire un ouvrage un peu plus grand public, ce que j'ai fait. Il est sorti donc en 2016 et il a eu, comme vous le savez sans doute, un grand succès médiatique parce qu'il mettait le doigt sur un problème majeur de la société française qui jusqu'ici n'était pas encore mis en mots.

Vous intervenez donc dans le cadre du festival Mir redde Platt alors justement, dans notre région, en Moselle, en Alsace, les accents ont une grande importance et la langue régionale, le platt, existe toujours. Qu'est-ce que ça dit de notre histoire ? 

Ça dit que la France d'aujourd'hui est le résultat d'au moins 200 ans, depuis sa création sous sa forme moderne à la révolution française, d'une politique d'unification forcenée qui a dépassé les équilibres, le respect des personnes et des populations qui ont été petit à petit intégrées dans la France, au point de poser comme modèle unique le fait de parler français. Si vous parlez une autre langue, on a plein de préjugés contre ça. C'est l'objet de l'autre ouvrage que je vais présenter demain sur les langues régionales et au point que même si les gens sont passés au français du fait qu'ils ont coloré le français avec leur langue d'origine, que parfois elle continue à ne pas aller à côté. Chez vous par exemple, le platt, fait que les gens sont considérés comme mal éduqués, pas bien intégrés et que du coup ils subissent ces formes de rejet. Et ça c'est vraiment le résultat d'une idéologie linguistique qui fait croire que le français est une langue supérieure aux autres en France et même universelle et que les autres langues sont des sous-langues qui sont sans intérêt. 

Cet autre livre s'appelle « Langues régionales, idées fausses et vraies questions ». On voit que vous vous positionnez vraiment en défenseur des langues régionales. Est-ce que selon vous elles sont amenées à disparaître ?

Alors c'est difficile de prédire l'avenir. Je ne me pose pas trop en défenseur des langues régionales mais plutôt en protecteur des droits des personnes dont c'est la langue qui ont des droits fondamentaux. Le droit à parler sa propre langue est un droit humain fondamental reconnu par tous les textes de protection des libertés, de lutte contre les discriminations qui hélas ne sont pas respectés en France. Et ce qui est assez frappant, c'est la résistance finalement quand même assez forte des populations concernées puisque quand on compile l'ensemble des études sur les pratiques de ces langues et les attentes des gens vis-à-vis de ces langues, ce qu'on a fait dans le livre en question, on se rend compte qu'elles sont encore beaucoup plus parlées que ce qu'on laisse croire. Même si ces dernières décennies ont montré une chute drastique de leurs pratiques parce que les dernières générations qui ont été élevées dans ces langues-là avec ou avant d'apprendre le français sont la plupart du temps la génération actuelle des gens qui ont 60 ans et plus sauf exception comme par exemple en Alsace où la francisation est arrivée une génération plus tard ou dans certaines zones très périphériques comme le Pays Basque ou la Corse où la langue est restée beaucoup plus vivante et évidemment dans les Outre-mer où ces langues sont les langues principales de la vie quotidienne des populations. 

Si ce sujet vous intéresse, notez que la conférence a lieu ce mercredi soir à 19h à la médiathèque de Sarreguemines. L'entrée est libre et gratuite. 

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