Savez-vous pourquoi la dernière mine de charbon a fermé en 2004, en Moselle ?

Histoire et Patrimoine

Savez-vous pourquoi la dernière mine de charbon a fermé en 2004, en Moselle ?

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Épisode du lundi 5 décembre 2022 à 09:45

Nous allons aborder une date d’un évènement qui a marqué la Moselle et par ricochet la France entière. Nous n’allons pas remonter le temps très loin ; il est bien probable que nombre d’entre vous s’en souviennent encore : c’est la fermeture du dernier puits de charbon en Moselle, en 2004. Mais savez-vous pourquoi ? 

C’est Antoine pour les Historateurs et je vais aborder avec vous la date du 23 avril 2004. C’est en effet ce jour-là que pour la dernière fois de l’Histoire de France que du charbon a été remonté à la surface depuis une mine. C’était dans la petite commune de Creutzwald, située au nord-est de notre département à la frontière allemande, sur le site de la Houve.

L’histoire du charbonnage en Moselle a débuté en 1818, à la suite d’un événement historique majeur quelques années plus tôt : la signature du 2nd traité de Paris. Ce traité a été conclu suite à la bataille de Waterloo et la défaite de Napoléon Ier : il réinstaure la France dans ses frontières de 1790. Cela implique que la Sarre, grande région houillère bien connue à l'époque, n'est plus française. Or à l’époque, la richesse de l’État repose en grande partie sur la possession des matières premières. On va donc supposer (à raison) que le bassin houiller dépasse côté français et les ingénieurs de l’époque vont s’atteler à trouver les veines de charbon.

Si cela débute en 1818, la première exploitation (du côté de Schoeneck) ne peut se mettre en place d’un point de vue commercial qu’une décennie plus tard. En effet, l’exploitation de charbon n’est pas aisée, il faut avant tout pouvoir atteindre une veine exploitable, nécessitant les moyens et ressources adéquates. Les balbutiements du charbon lorrain sont compliqués, des faillites et des rachats surviennent mais quelques grands noms émergent : on pense évidemment à la famille de Wendel. Ce sont eux qui vont permettre l’exploitation du côté de Petite-Rosselle, en forant avec succès un puits au milieu du XIXème siècle, amenant des forages de plus en plus à l’ouest.

C’est à la toute fin du siècle, en 1895, que le premier puits est foré à Creutzwald sur le site de la Houve, il s’agit du puits Marie. Suivent ensuite d’autres, pour finalement atteindre un total de 8 puits forés sur 5 sites différents, au gré des découvertes et de l’emplacement des différentes veines de charbon. Tous ne sont pas dédiés à l’exploitation pure, certains sont techniques : pour l’aération par exemple.

L’exploitation n’est finalement que peu affectée par les grands évènements du XXème siècle si ce n’est pour la direction des mines. En effet, en 1870 une société dédiée à la Houve est créée, sous contrôle allemand. Puis en 1918 retour sous le giron d’entreprises françaises. Suite à la campagne de France, les allemands repassent à la direction ; notons que les sites sont stratégiques tant d’un côté que de l’autre, il y a peu de combat dans les zones d’exploitations. Finalement, après les derniers soubresauts allemands et l’offensive von Rundstedt, les charbonnages redeviennent français en 1945. Le bassin houiller Lorrain, et donc la Houve, passe alors après-guerre sous la tutelle des Charbonnages de France.

L’après-guerre, jusqu’aux années 1970 est une période faste pour les charbonnages, avec un record de production en 1959 : 59 millions de tonnes extraits des entrailles de la France ; la Houve ne fait pas exception. Le métier n’est pourtant pas simple, rappelons ici les conditions : travail sans lumière naturelle, dans la chaleur à 500m de profondeur, risques d’éboulement, respiration de poussière de charbon … Deux puits sont donc encore foncés en 1954 : le puits Vernejoul et le tout dernier, le puits Ouest est creusé en 1990 à des fins d’aération.

Néanmoins, l'âge d’or des mines lorraines prend fin, dans le sillage de la sidérurgie lorraine et plus globalement de la production de charbon dans toute la France. En effet, comme nous vous l’avons raconté précédemment, la majeure partie du bassin houiller est en Sarre, en Moselle on va trouver moins de charbon, les veines facilement exploitables sont épuisées et il faut aller extraire des gisements plus difficilement accessibles : les coûts augmentent. Dans le même temps, faire venir du charbon à bas coût de l’autre côté du globe coûte de moins en moins cher. En décembre 1990, la dernière mine de charbon du Pas de Calais ferme, seules les mines de l’Est sont encore en activité en France, même si elles ne sont pas rentables.

Finalement en 1995 un accord est signé : les dernières mines fermeront sous 10 ans. En 2003 c’est Merlebach qui ferme, il ne reste plus que la Houve en activité. Vient alors la date de fermeture de cet irréductible puits. Ce 23/04/2004, ils ne sont plus que 285 employés, les derniers des presque 200,000 personnes qui se sont succédées et ont extrait presque 800 millions de tonnes de charbon depuis le milieu du XIXème siècle dans notre région.

Toute la presse régionale et nationale est là, pour couvrir l’évènement qui vient clôturer des siècles d’Histoire en France, ce qui a été si bien décrit par Zola dans Germinal : la montée de la dernière benne de charbon, depuis le puit de Vernejoul, ce qui se fait non sans émotion. Un hommage à cette profession est rendu par les Charbonnages de France, avec la création d’un spectacle dédié, qui sera repris sur tout le weekend où vont défiler quelques milliers de personnes.

Aujourd’hui il ne reste plus rien à la Houve, le dernier Chevalet a été démoli en décembre 2007, malgré des tentatives de sauvegarde. Néanmoins, vous pouvez vous rendre non loin de là sur le carreau de Wendel à Petite-Rosselle où un musée retraçant l’épopée minière de Moselle a été construit sur les lieux mêmes de cet ancien lieu d’exploitation.

Lorsque vous passez donc du côté de Creutzwald, Forbach, ayez une pensée pour ces mineurs et rappelez-vous que cela ne fait pas si longtemps que la dernière mine a été fermée … et qu’elle était en Moselle !

Chronique réalisée par Antoine. 

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