Chronique végétale : La forêt

Dans mon jardin

Chronique végétale : La forêt

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Épisode du mercredi 27 novembre 2019 à 08:52

La forêt

Beaucoup de contes trouvent leurs racines dans les légendes sylvestres. La forêt serait ainsi peuplée d’innombrables créatures. Du “Petit Poucet” au “Seigneur des anneaux”, du “Livre de la jungle” aux films de Miyazaki, allons nous promener dans ces bois mystérieux.

 

Définir la forêt.

Les définitions du terme « forêt » sont nombreuses en fonction du lieu et des usages. Malgré une apparente évidence, définir la forêt reste délicat.

Du point de vue botanique, une forêt est une formation végétale, caractérisée par l'importance de la strate arborée, mais qui comporte aussi des arbustes, des plantes basses, des grimpantes et des épiphytes. Plusieurs arbres forestiers vivent en symbiose avec des champignons et d’autres micro-organismes, et beaucoup dépendent d'animaux pour le transport de leur pollen ou de leurs graines.

Elles couvrent plus du quart du territoire national, sont riches de 136 essences d’arbres et de 10 000 espèces végétales ou animales.

Dans notre secteur, on peut citer la forêt du Buchholz, d’une superficie de 308 ha, située au sud de Sarreguemines et bordant les communes de Roth et Neufgrange mais aussi la forêt du Grosswald à Sarreinsming, d’une superficie de 266 hectares, avec les vestiges Gallo-Romains du Heidenkopf.

 

Mythes et légendes

Les croyances des peuples gréco-romains en l’existence de divinités forestières (dryades) aurait eu pour fonction de les empêcher de détruire les forêts car pour couper les arbres, il leur fallait d’abord consulter les prêtres et obtenir d’eux l’assurance que les dryades avaient abandonné la forêt qu’ils comptaient couper. Les dryades avaient l'apparence de très belles jeunes filles et incarnaient la force végétative des forêts. Dépeintes comme les divinités protectrices des forêts et des bois, elles étaient aussi fortes et robustes que fraîches et légères et formaient des chœurs de danse autour des chênes qui leur étaient consacrés. Elles pouvaient survivre aux arbres placés sous leur protection car contrairement aux hamadryades (d’autres divinités de la forêt), elles n’étaient pas liées à un arbre en particulier

 

Les forêts étaient autrement vastes et denses, véritable murs, impénétrables et terrifiants, quand Jules César lança ses légions à l’assaut de la « Gaule chevelue ». Les Celtes vénéraient les arbres des sylves (le mot foresta n’apparaît qu’à l’époque mérovingienne, au VIIe siècle). Les premiers évangélisateurs prônèrent donc la destruction des bois sacrés. Le concile d’Arles, en 452, interdit l’adoration des arbres. Peine perdue, car, depuis la nuit des temps, l’humanité a peuplé la forêt d’êtres magiques. Les hommes considéraient ces forêts comme des espaces sacrés, pleines d’esprits et de diverses créatures. Les Celtes possédaient de multiples dieux liés au bois comme Esus, dieu forestier de la guerre, de la mort violente et des récoltes, Nemausos, dieu des bois, des fontaines, et des sources sylvestres, Vosegus, le dieu chasseur, maître des Vosges, ou Arduina, déesse du sanglier, protectrice de la forêt des Ardennes. Les bois abritaient des forces surnaturelles. Lucain (39-65) raconte dans La Guerre civile la panique des légions romaines de Jules César qui avaient reçu l’ordre d’abattre les arbres vénérés par les Gaulois : « Ils craignaient, s’ils frappaient les troncs sacrés, que les haches ne revinssent sur leurs propres membres ».

Le monde antique romain oppose ce qui est du « sauvage » (sylvaticus) – des bois – et ce qui est de la civilisation: la cité, la culture, Après la conquête romaine va s’opérer une distinction forêt/civilisation, la silva (forêt) étant au monde sauvage ce que l'ager (espace cultivé) est au monde civilisé. Les Romains délaissaient les ressources de la forêt pour les récoltes de l'agriculture et les produits de l’élevage (pain, vin, huile). La forêt et plus globalement le saltus (espace inculte) renvoyaient à la grossièreté, au désordre, à la barbarie, et tendaient à reculer devant les mises en culture.

Au Moyen Âge, les forêts sont au cœur de la vie, à la fois espaces nourriciers, qui offrent leurs richesses aux hommes et aux bêtes, et réceptacles de l’imaginaire. Demeures traditionnelles des fées, des nains, des ogres et des enchanteurs, elles n'appartiennent pas au monde ordinaire. Ceux qui s’y aventurent y font des rencontres étranges et, parfois, fatales. Elles constituent aussi l’ultime refuge des proscrits, des lépreux et des pestiférés, des brigands et des justiciers, qui se fondent dans leurs immensités. C’est celle de Lancelot du lac et de Robin des bois, de Merlin l’enchanteur et de la fée Viviane, de Mélusine et de Morgane. Celle de Macbeth et des arbres qui marchent. Pour les clercs du haut Moyen Âge, la forêt, privée de la lumière de Dieu, devint l'antre du Malin, d’autant plus qu’elle était le foyer de pratiques païennes encore vivaces.

Les hommes pourtant s’adaptèrent et une économie agro-sylvo-pastorale se mit en place. Les substances végétales en décomposition dans la forêt servaient d’engrais pour le potager, le bétail allait se nourrir dans le bois, et le paysan pouvait y chasser (la forêt n’étant pas encore le domaine réservé des seigneurs). Le bois était également indispensable pour le feu, pour fabriquer les outils agricoles et artisanaux, bâtir les habitats, etc. La forêt fournissait aussi des ressources en cas de disette : fraises des bois, framboises, myrtilles, merises, nèfles, sorbes, alises… La forêt restera jusqu’à l’époque contemporaine l'« ultime recours des affamés » (Jacques Brosse).

 

Le Tiefe Pfuhl de Woelfling

Dans la forêt de Woelfling-lès-Sarreguemines, au lieu-dit Frohnerwald, se trouve un immense trou qui était jadis un marécage boueux. Selon la légende, ce trou aurait été créé par Dieu pour punir la méchanceté humaine. Les habitants essayèrent plusieurs fois de mesurer sa profondeur, en vain.

L’histoire raconte qu’en des temps bien reculés, un seigneur, reconnu pour sa sévérité et craint de ses sujets, traversa la forêt de Woelfling-lès-Sarreguemines pour rejoindre Gros-Réderching en empruntant la voie romaine. Alors que son carrosse cheminait, un enfant se trouvait assis au milieu du chemin au lieu-dit Frohnerwald. Vêtu pauvrement, il portait sur ses genoux un jeune corbeau tombé d’un nid. Le cocher, qui ne voulait pas le renverser, stoppa net le carrosse. Il demanda à l’enfant de libérer le passage mais celui-ci mendia quelques pièces. Le seigneur refusa catégoriquement et le cocher, à contre cœur, renversa l’enfant. Au même instant, un trou béant s’ouvrit et engloutit le seigneur et son carrosse, avant de se remplir d’eau. Aujourd’hui, le Tiefe Pfuhl est à sec depuis la sécheresse de l’été 2003, mais il y règne encore une atmosphère particulièrement pesante.

Au cœur de la forêt domaniale de Saint Avold se trouve un vieux chêne âgé de 850 ans. Les légendes racontent qu’il fut autrefois, un lieu de rencontre pour des sorcières se rendant au Sabbat sur leurs balais, d’où le nom de « chêne des sorcières » donné à cet arbre.

 

En France, peut-être plus encore qu’ailleurs, la forêt a façonné le paysage et les hommes, tissé les légendes et les croyances, catalysé les angoisses et les peurs. À la veille du IIIe millénaire, frustré dans sa jungle d’asphalte et de béton, le citadin rend un nouveau culte aux habitants de nos forêts, se matérialisant par exemple dans la littérature par le best-seller de Peter Wohhleben, mais aussi par la mode du Shinrin Yogu (thérapie des arbres)

La France rurale quitte ses champs, le pays se transforme à très grande vitesse mais la forêt est toujours là, parlant à notre imagination, enchanteresse et effrayante, faisant danser sorcières et lutins dans les profondeurs de nos mémoires. Comme jadis, elle enchante et effraie, mais reste ancrée dans les profondeurs de notre imaginaire.

 

 

Sources :

 

http://blogerslorrainsengages.unblog.fr/legendes-et-traditions-de-lorraine-3/

https://www.philisto.fr/article-58-forets-francaises-des-origines-nos-jours.htm


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