Moselle : Les fraudes fiscales mieux détectées grâce à la coopération entre la justice et les finances publiques


par Cédric Kempf
lundi 18 juillet 2022 à 05:00

Les fraudes fiscales mieux détectées grâce à la coopération entre la justice et les finances publiques

La coopération s'intensifie entre la Direction Départementale des Finances Publiques de la Moselle et le Parquet du Tribunal Judiciaire de Metz. Ce lien beaucoup plus étroit a permis ces dernières années d'obtenir de meilleurs résultats du contrôle fiscal en Moselle, notamment entre 2019 et 2021.

Des échanges efficaces et prolifiques

Pour expliquer ces échanges efficaces et prolifiques, il suffit déjà de regarder les dernières données publiées. Etienne Effa, Directeur départemental des finances publiques de la Moselle.

Son N°1 - Les fraudes fiscales mieux détectées grâce à la coopération entre la justice et les finances publiques

Le contrôle fiscal a sensiblement augmenté ses résultats en Moselle avec une hausse de plus de 50% entre 2019 et 2021, et on est passé également de 57 millions d'euros à 87 millions d'euros de droits et pénalités. On a également augmenté très fortement le nombre de procédures de contrôles entre ces deux années. On a bénéficié d'un nombre multiplié par 4 de transmissions de faits, de fraudes, ou de suspicions de fraudes à la Justice.

Si les chiffres augmentent ce n'est donc pas une hausse de fraudes mais bien une meilleure détection de celles-ci. La loi du 23 octobre 2018 y est pour beaucoup.

Notamment en levant le secret professionnel vis-à-vis du Parquet, puis également en levant le "verrou de Bercy". Il consistait à faire en sorte que l'administration fiscale avait la main mise, ou en tout cas, avait la possibilité de décider ou non de ne pas déposer plainte dans le cadre d'un contrôle fiscal. La levée du "verrou de Bercy" nous oblige désormais à signaler les faits au Procureur à partir de 100 000 euros.

Une coopération gagnante-gagnante que souligne le Procureur de Metz Yves Badorc.

La coopération entre le Parquet de Metz et la Direction départementale des Finances Publiques est primordiale. Je dirais que ça rend beaucoup fluide la circulation d'informations, ça nous permet d'être beaucoup plus réactif lorsqu'une information est donnée pour pouvoir la traiter.

En Moselle, le nombre de transmissions de faits ou soupçons de fraude à la Justice a augmenté de 317% par rapport à la période 2016-2018. Les résultats des contrôles ont augmenté de 88% et ont permis de récupérer plus de 2 millions d'euros.

Pour réussir à améliorer les contrôles, les moyens se sont considérablement accrus comme la possibilité de cibler les contrôles et faire du profilage. Les nombreuses données de des déclarations, des patrimoines permettent d'identifier des profils à risque. Et lorsque la fraude est constatée, les sanctions peuvent être très sévères.

Dans le cadre de l'enquête, on va aller saisir des éléments patrimoniaux, c'est une façon aussi de répondre à ce type de délinquance, et ensuite, on peut être traduit devant le tribunal selon des modes de poursuites qui sont variables avec une peine d'emprisonnement qui est encourue, ce qui ne veut pas dire qu'elle soit prononcée. Mais ce sont des faits suffisamment graves parfois, pour que ce type de peine soit prononcé, y compris d'ailleurs des peines ensuite de confiscation qui sont dans le prolongement de la saisie des avoirs criminels qui est aussi un objectif assigné dans ce type d'enquête.

Des instances de coordination comme le Comité opérationnel départemental anti-fraude restreint ou le Groupe opérationnel de lutte contre la fraude fiscale expliquent aussi les résultats obtenus tout comme un protocole pour améliorer le paiement des amendes et des condamnations pécuniaires.

Par exemple, voici quelques dossiers échangés entre les deux parties :

- Un contrôle d’une entreprise du bâtiment met en évidence des paiements en espèces de salaires à des personnes non identifiées comme salariés au sein de la société. Les agents de la DGFIP peuvent dresser des procès verbaux pour travail illégal et les transmettre à la Justice.

-  Une entreprise du secteur de l’automobile a fait l’objet d’un premier contrôle fiscal suite au non respect de ses obligations déclaratives et taxée pour sa défaillance par une pénalité de 40%. 5 ans plus tard, le contrôle de ses déclarations de TVA fait apparaître qu’elle minore systématiquement le montant de son chiffre d’affaires. Compte tenu du montant éludé, soit près de 200 000 euros et de la récidive constatée, le dossier a été transmis automatiquement au parquet.

- Suite à une plainte pour pollution par une entreprise, l’enquête met en évidence que l’activité de transport et d’enfouissement des déchets n’a jamais été enregistrée. La prescription fiscale de 3 ans a été allongée à 10 ans pour taxer cette activité occulte.

- Un pharmacien créait des fausses factures pour obtenir des remboursements indus auprès de la CPAM. Suite aux informations transmises, la DGFIP engage le contrôle de la pharmacie et du dirigeant. Les services constatent l’utilisation d’un logiciel permissif permettant d’annuler les enregistrements comptables, des rémunérations fictives à certains employés et l’appréhension des sommes remboursées par la CPAM par le gérant.

Les fraudeurs de la crise sanitaire 

Lors du pic de la crise sanitaire en 2020 et 2021, l'Etat a mis en place un fonds de solidarité pour les entreprises. Plus de 40 milliards d'euros ont été distribués au niveau national pour apporter du soutien. En Moselle, près de 20 000 entreprises en ont bénéficié pour un total de plus de 333 millions d'euros. Mais certaines d'entre elles ont voulu aussi avoir leur part du gâteau en espérant ne pas être repérées.

Il est vrai que des entreprises ont tenté ou réussi à bénéficier de ces aides alors qu'elles n'y avaient pas droit. Il a fallu donc mettre en place un plan d'action pour corriger et récupérer les sommes qui ont été indument versées. En Moselle, cela a rapporté 2.5 millions d'euros et nous avons déposé un certain nombre de plaintes auprès du Procureur pour que la Justice passe.

Au total, 306 entreprises ont été contrôlées et 57 plaintes ont été transmises à la Justice.

Par exemple, voici quelques condamnations rendues en Moselle :

- Deux auto-entrepreneurs condamnés l’un à 2 mois de prison avec sursis , 500 € d’amende pour une aide perçue à tort de 20 000 € et l’autre à 3 mois de sursis, 1 000 € d’amende dont 750€ avec sursis et au remboursement des sommes indûment perçues.

- Un chef d’entreprise déclaré coupable et condamné à 4 mois d’emprisonnement avec sursis, interdit d’exercer toute activité commerciale, privé de son droit d’éligibilité et condamné à verser à la partie civile 16 000 € de dommages et intérêts.

- Un chef d’entreprise condamné à 7 000 € d'amende délictuelle avec sursis, 1 an de privation du droit d'éligibilité et à verser à la partie civile 26 223 € au titre du préjudice matériel.

- Un chef d’entreprise condamné à 500 € d’amende avec sursis, ainsi que 13 300 € au titre de la réparation du préjudice de l’Etat.


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