Épisode du lundi 27 mars 2023 à 09:45
Comme vous le savez, nous adorons vous emmener à la découverte des fortifications présentes en Moselle : Ligne Maginot, fortifications construites par les Allemands lors des périodes d’annexion… Évidemment, il en existe de plus anciennes.
On ne connaît pas forcément son vrai nom : Sébastien Le Prestre, pourtant il a marqué un tournant remarquable dans l’histoire de la fortification par son génie militaire. Nous allons vous parler du Marquis de Vauban et des traces qu’il nous a laissées en Moselle.
Rien ne prédestinait Vauban, issu de la petite noblesse de campagne, au rôle qu’il a tenu. Initialement soldat au service du Prince de Condé (frondeur contre Louis XIV), Vauban combat contre les armées du Roi. C’est suite à sa capture qu’il est présenté à Mazarin et qu’il change de camp.
Son rôle au service de Louis XIV commence alors à se préciser. Vauban participe à de nombreux sièges (14) de villes françaises tenues par les troupes de Condé, notamment Stenay en Lorraine, ce qui lui permet d’apprendre puis de parfaire ses connaissances d’ingénieur. Les ingénieurs sont à l’époque les militaires chargés des sièges de place forte (ou de leur réfection), en vue de les faire capituler le plus rapidement possible. Au fur et à mesure, ses fonctions prennent de l’importance, Vauban est même nommé seul responsable du Génie lors du siège de Maastricht en 1673. La ville tombe en 17 jours, Vauban y a théorisé la stratégie à appliquer pour faire tomber n’importe quelle citadelle. En 1678, Vauban prend le poste de Commissaire Général des Fortifications. Louis XIV ne manque pas de souligner son talent et le nomme Maréchal de France en 1703.
Afin de protéger le Royaume de France, Vauban bâtit une ceinture de Fer aux frontières tant maritimes que terrestres, en apportant une attention particulière au Nord-Est, axe naturel d’invasion.
Précision historique ayant son importance : la Lorraine a été conquise par la France lors de la Guerre de Trente Ans. Louis XIV signe en 1679 les Traités de Nimègue, accords de paix et de commerce, qui permettent d’étendre le territoire français, aux dépens de l’Espagne et du St Empire Romain Germanique, tout en lissant la frontière du pays. Ce traité n’est pas ratifié par le Duc de Lorraine Charles V, qui le trouve humiliant : il devait laisser passage aux troupes françaises et ne récupérait pas sa capitale, Nancy. Louis XIV va donc continuer d’occuper la Lorraine.
C’est assez naturellement qu’il charge alors Vauban de fortifier ce territoire, et on retrouve dans notre département les traces encore visibles des différentes constructions réalisées, plus ou moins impressionnantes. Notons que son paradigme est le même que celui retenu pour la Ligne Maginot : fixer un maximum de troupes ennemies, avec un minimum de soldats, permettant ensuite l’acheminement de renforts.
La plus remarquable est sans aucun doute la citadelle de Bitche, même si ce qu’il persiste aujourd’hui est signée Vauban sans être de lui. Voici l’explication : en 1681, Vauban est chargé de remanier totalement la place fortifiée et il s’y attelle pendant 6 ans en adaptant ses préceptes de défense à la nature du terrain et du rocher. L’édifice se compose de 3 éléments principaux, avec notamment l’implantation de la célèbre défense en étoile à l’Est de la citadelle. Toutefois, en 1697, la Lorraine est finalement rétrocédée au St Empire Germanique par traité ; les Français ne manquent pas de détruire tout ce qu’ils venaient pourtant de bâtir. Louis de Cormontaigne se chargera en 1740 de reconstruire la fortification sur le modèle de son illustre prédécesseur, en la modernisant. C’est ce que l’on peut visiter de nos jours.
Si la citadelle de Bitche est la construction la plus marquante, car ayant un rôle militaire propre, Vauban laisse également sa trace au travers de la fortification de 3 villes en Moselle : Metz, Thionville et Phalsbourg.
Metz est très rapidement ciblée comme ville capitale pour la défense de l’Est, et Colbert charge Vauban en 1673 d’y aménager de solides défenses. Bâtir une citadelle est une chose, construire des défenses d’une ville en est évidemment une autre. Les plans sont présentés un an plus tard et les travaux de fortification débutent en 1676 ; Vauban a délégué la supervision de la construction à un autre ingénieur. Le but est de renforcer les remparts, implanter des ouvrages en étoile, des demi-lunes, Vauban prévoit même des défenses hydrauliques avec la création de bassins artificiels. Néanmoins, les travaux ne vont pas au bout suite à la rétrocession de la Lorraine. De nouveau, on retrouve Cormontaigne à la manœuvre sous Louis XV pour parachever l’œuvre de Vauban dans la ville.
C’est toujours à la même période que Vauban intervient pour fortifier Thionville, ancienne capitale du Duché du Luxembourg. Il veut en faire un camp retranché d’importance, adossé à la Moselle. Pour ce faire, il applique les mêmes méthodes qu’à Metz en remaniant le système défensif existant, créant des glacis et ouvrages en étoile. C’est lui qui projette la défense sur la rive droite, avec la construction du couronné de Yutz. Néanmoins, toujours pour les mêmes raisons, le projet n’ira pas à terme. On vous laisse deviner qui se chargera de tout finaliser sous Louis XV !
Enfin, un peu plus tardivement, en 1680, Vauban crée et construit tout un système de fortifications et de casernes pour Phalsbourg, toujours sur le même modèle d’utilisation de constructions en étoile, demi-lunes et glacis. S’il ne subsiste aujourd’hui que les portes de France et d’Allemagne (tout le reste a été démoli par les Allemands), le centre conserve la forme originelle conçue par Vauban.
Les témoins du passage de Vauban sont donc nombreux en Moselle, même s’ils ont pu être remaniés par la suite, tant par les Français que les Allemands. N’hésitez pas à aller les contempler lors de visites, et nous vous recommandons d’aller consulter les cartes d’implantation des fortifications d’époque / les plans relief aux Invalides pour saisir l’ampleur de ce qui a été créé. Amusez-vous ensuite à superposer avec les constructions actuelles : c’est édifiant !
Rédaction : Guillaume Moncel / Présentation : Antoine Krutten
Chronique réalisée par Les Historateurs. Présenté par Antoine, avec la participation de Hamza, Pierre-Edouard, Guillaume, Nicolas G, Nicolas D, Yann et Alexis.
"Les Historateurs" sont nés en décembre 2018 de la passion de 4 personnes pour l'histoire, l'exploration et le patrimoine.
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