Épisode du jeudi 6 novembre 2025 à 10:30
Christophe Henselmann, tuilier à Niderviller, dans l'une des dernières tuileries de France.
Depuis combien de temps cette tuilerie existe-t-elle ?
La première trace d’une tuilerie dans le village remonte à 1727. À l’époque, ce n’était qu’un hangar et un trou dans le sol, comme cela se faisait autrefois.
L’actuelle tuilerie a été construite en 1820. On ne sait pas exactement par qui, mais on sait que la famille Bourgon a repris le flambeau dans les années 1850 et l’a fait vivre pendant près de cent ans, jusqu’en 1964.
Et vous, comment êtes-vous devenu tuilier ?
Mon grand-père et mon père étaient marchands de matériaux de construction en Alsace. Ils ont repris cette tuilerie sans vraiment s’y connaître au départ.
Moi, j’ai grandi ici. Tout petit, je modelais des bonhommes et des billes avec l’argile. Après mes études, c’était une évidence : je voulais travailler ici.
Quels outils et quelles techniques utilisez-vous encore aujourd’hui ?
La fabrication des tuiles a évolué depuis deux ou trois mille ans.
Jusqu’aux années 1820, tout se faisait à la main : on utilisait de la boue, que l’on piétinait parfois même avec des chevaux. Puis est venue l’industrialisation.
Les machines que nous utilisons aujourd’hui ont été créées entre 1920 et 1950. Elles permettent un processus de fabrication qui, malgré la modernisation, reste inchangé. Le travail de base, lui, est le même depuis au moins 150 ans.

Quel type de clientèle avez-vous aujourd’hui ?
Environ 95 % de notre production est destinée à la rénovation de l’ancien. Cela peut concerner du patrimoine historique, mais aussi des maisons anciennes, des granges ou des fermes.
Nos produits sont des copies conformes de ce qui se faisait autrefois.

Quelle est votre plus grande fierté aujourd’hui ?
C’est difficile à dire… mais l’un de nos plus beaux projets, c’est sans doute le Koïfhus de Colmar.
Nous venons aussi de réaliser des épis de faîtage de deux mètres de haut pour un château normand – une véritable œuvre d’art.
Nous avons également fabriqué des tuiles sur mesure pour la dernière tour de la fortification médiévale d’Altkirch.
Dans chaque chantier, il y a toujours quelque chose de spécial, de réjouissant.

Quelles sont les principales difficultés de votre métier aujourd’hui, en 2025 ?
Le métier en lui-même ! Un four peut toujours poser un problème.
Nous changeons parfois de produit jusqu’à cinq fois par jour, et il faut à chaque fois adapter le processus de fabrication.
Selon l’épaisseur ou la forme des tuiles, tout doit être recalibré. C’est un travail exigeant qui demande beaucoup d’attention.
Et qu’est-ce qui vous plaît le plus ?
Le résultat, après la pose de nos produits.
Quand je me promène en France et que je vois la collégiale de Mantes-la-Jolie ou une petite maison de pêcheur aux Sables-d’Olonne, je me dis que j’aurai laissé une trace.


