Chronique végétale : La pomme de terre

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Chronique végétale : La pomme de terre

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Épisode du mercredi 13 octobre 2021 à 12:40

Comment définir la pomme de terre

 

Le terme pomme de terre, ou patate, désigne deux choses : le tubercule comestible produit par l’espèce Solanum tuberosum, appartenant à la famille des solanacées mais également cette plante elle-même.

La pomme de terre est originaire de la cordillère des Andes (Pérou) où son utilisation remonte à environ 8 000 ans.

C’est une plante herbacée, tubéreuse, à feuilles caduques, à port dressé, qui peut atteindre 1 m de hauteur. Les tubercules, qui résultent d’une modification des tiges souterraines, fonctionnent comme organes de réserve riche en amidon. Ils sont de taille et de forme variable selon les variétés.

Les fleurs, d’un diamètre de 3 à 4 cm, sont régulières, à symétrie pentamère typique de la famille des solanacées.

Le fruit de la pomme de terre est une baie qui ressemble à une petite tomate, également une solanacée.

 

Histoire et anecdotes

L'histoire des pommes de terre a commencé il y a environ 8000 ans sur les hauts plateaux
de la Cordillère des Andes, où elles poussaient à l'état sauvage. Les Incas les ont cultivées dès le XIIIe siècle.

À l’arrivée des conquistadors espagnols en 1532, la pomme de terre, avec le maïs, est à la base de l’alimentation de l’ensemble de l’empire Inca. Dans la mythologie  Inca, Axomama est la déesse de la pomme de terre, fille de Pachamama, déesse de la terre.

Les tubercules naviguent à bord des galions avec les conquistadors vers les côtes d’Europe et  débarquent dans les ports d’Espagne puis d’Angleterre. Objet de curiosité des botanistes et des souverains, elle n’est pas tout de suite considérée comme pouvant servir à l’alimentation des humains. De fait elle est considérée avec beaucoup de méfiance car, il faut dire, elle est à cette époque petite et amère.

La pomme de terre est introduite en France vers 1620 (sous le nom de cartoufle) où elle est alors surtout donnée comme nourriture aux animaux. Son acceptation est difficile. En 1630 par exemple, le parlement de Dole interdit sa culture au motif que cette “racine” serait un vecteur de la lèpre. Mais, poussée dans les campagnes par les famines et les guerres, surtout la guerre de 30 ans, sa conquête du territoire européen s’accélère alors.

Le XVIIIeme siècle voit dans toute l’Europe, jusqu’aux confins de la Russie, naître un véritable engouement pour ce tubercule, facile à cultiver et à conserver, et qui permet d’espérer la fin des famines. La culture de la pomme de terre, en libérant le peuple des disettes, renforce les États, nourrit leurs soldats et accompagne leurs armées dans des conquêtes plus lointaines.

Cependant, la découverte d’un charnier de peste en 1722 à Marseille amène le gouvernement à penser que l’épidémie provient des pommes de terre. Suspectées auparavant de transmettre la lèpre, leur culture est interdite dans le nord de la France par le Parlement jusqu’en 1772.

C’est surtout Antoine Parmentier qui va devenir en France le porte-drapeau de la culture de la pomme de terre comme moyen de parer aux famines répétitives qui sévissent dans le pays et qui va œuvrer à la rendre populaire auprès d’une population parfois réticente face à ce tubercule mal considéré. Parmentier offre des fleurs de pommes de terre à Louis XVI et Marie-Antoinette lors d’une promenade à Versailles. Il réussit à obtenir l’appui du roi pour inciter la population à consommer des pommes de terre en employant en 1786 un stratagème resté célèbre : de jour, il fait monter une garde autour des cultures de pommes de terre qu’il a mis en place près de Paris, donnant ainsi l’impression aux riverains qu’il s’agit d’une culture rare et chère, destinée au seul usage des nobles. La garde est levée la nuit, ce qui incite la population à voler des tubercules, contribuant ainsi à leur diffusion. Le roi Louis XVI, qui n’hésite pas à en porter les fleurs à la boutonnière, le félicite en ces termes : « La France vous remerciera un jour d’avoir inventé le pain des pauvres. » La publicité que lui apporte Parmentier, aidé par le soutien du roi, permet à la pomme de terre de se débarrasser son image d'aliment des pauvres. Elle est désormais appréciée par les élites.

 

Comment la cuisiner

La patate est constituée principalement d’eau mais également d’un glucide, l’amidon. Cette richesse en amidon confère à la pomme de terre les qualités nutritionnelles d’un féculent.

La pomme de terre se cuisine de mille et une façons, en purée, bouillit, rôtit, frit, etc. mais aussi en galette de pomme de terre, la localement célèbre grumbeerekiechle. On râpe des patates qu’on mélange avec un œuf battu, du persil, de l’oignon, du sel et du poivre jusqu’à obtention d’une préparation homogène. On forme des galettes qu’on fait dorer dans une poêle dans de l’huile. C’est avec plaisir alors qu’on se refile une patate chaude.

La pomme de terre, après un long voyage, s’est invitée à nos tables et fait désormais partie de notre patrimoine culinaire, nos traditions, nos expressions auxquelles j’ai fait un clin d’œil. Célébrée à toutes les sauces chaque 2ᵉ dimanche du mois de septembre à Woelfling lors de la fête de la pomme de terre, on en a presque oublié que ce n’est pas si longtemps qu’elle est présente chez nous et qu’elle a traversé un océan, souvenir du plus vaste empire de l’Amérique précolombienne.  Rappelons nous cette citation de l’écrivain Nicolas Bouvier (1929-1998) : “Certains pensent qu’ils font un voyage, en fait, c'est le voyage qui vous fait ou vous défait.”

 

Chronique réalisée par Gilles, éthnobotaniste et mycologue

 

 


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