Épisode du lundi 14 février 2022 à 09:50
Saviez vous que l’origine de la rivalité entre Alsaciens et Lorrains remonte à une violente révolte s’étant déroulée il y a 500 ans ?
Lorsque l’on pense Révolution en France, la grande date qui ressort souvent est celle de 1789. Or le territoire Français fut secoué par de nombreuses révoltes plus ou moins violentes au cours du Moyen Age. L’une des plus importantes d’entre elles, qui affecta uniquement l’Alsace et la Lorraine fut la fameuse « Guerre des Paysans » ou Bauernkrieg en allemand.
La fin du XV siècle est à de nombreux égards une époque violente et apeurante pour les populations européennes. La fin de la guerre de 100 ans, de la peste noire, couplée au début des guerres d'Italie et à l'inévitable avancée de l'empire ottoman fait croire aux populations de l'espace germanique que la fin du monde est bientôt arrivée. L'absence de réponse par le clergé Romain à ces problèmes de foi conjugués à la corruption et l'aspect de plus en plus financier de la religion chrétienne font qu'un sentiment de malaise s'installe dans les populations chrétiennes d'Europe. En 1517 un moine absolument inconnu cloue à la porte d’une église à Eisenach en Allemagne 95 thèses remettant en question l'organisation de l'église et du culte chrétien connu jusqu'alors. Martin Luther vient de créer le protestantisme, ce dernier rencontre un succès phénoménal dans l'espace germanique et se propage jusque dans les contrées alsaciennes et Lorraines.
Alors que les premières révoltes apparaissent en Allemagne juste de l’autre côté du Rhin à partir de 1520, certains chevaliers de petite noblesse prenant le parti de la Réforme et de la paysannerie, la haute noblesse se raidit et répond avec violence. A la fin de l’année 1524, des troubles apparaissent dans la Ruhr, ces derniers se répandent vite, si bien qu’à la Pâques 1525 c’est tout l’espace germanique de la Tchéquie aux Bailliages d’Allemagne en Lorraine qui se soulève. Ainsi, les bandes de paysans se constituant dans les campagnes s’unissent autour d’un programme édicté par des rebelles d’Allemagne du Sud, les 12 Articles. Réclamant par exemple la fin des impôts sur les héritages, et le droit pour chaque paroisse d’élire son pasteur qui lirait la Bible telle qu’elle fut écrite par les Evangiles, les paysans Lorrains et Alsaciens se dotent d’un programme politique.
Des bandes de paysans se soulèvent à Wissembourg, Sarreguemines, Bitche, Haguenau et Molsheim. Ces dernières ont des tailles diverses, allant de quelques centaines de hères à plus de 7000 hommes comme celle de Neubourg. Les révolutionnaires sont animés par de fortes rancœurs contre les autorités religieuses et politiques locales. Ainsi, le comté de Deux Pont Bitche est particulièrement touchée et l’abbaye de Sturzelbronn est dévastée par « la bande des Massues », faisant dire au comte local que des « six mille paysans de mon fief, moins de six me sont restés fidèles ». La troupe des environs de Sarreguemines menée par Hans Zoller de Rimling réussit même à battre une petite armée du Duc de Lorraine en se contentant de Faux et de Haches dans la forêt entre Herbitzheim et Sarreguemines. S’organisant rapidement et tentant de s’allier aux villes, les paysans bloquent les seigneurs dans leurs châteaux, devenant jusqu’au début mai 1525 les maîtres incontestés des campagnes.
Cependant, la réponse seigneuriale et ducale ne se fit pas attendre. Antoine de Lorraine réunit 10 à 15 000 hommes d’armes et chevaliers de divers horizons à Nancy début mai avant de prendre la route du col Saverne, par où les insurgés se retiraient pour l’Alsace. Appelé à l’aide par les seigneurs et prélats religieux alsaciens, le Duc de Lorraine entre et pose le siège devant Saverne, où les insurgés se sont retranchés. Les batailles de Monswiller, Saverne et Lupstein voient l’extermination de la résistance paysanne et la mort de 20 à 30 000 insurgés, contre quelques centaines des troupes lorraines. En quelques mois, les derniers nids de résistance dans le Nord de l’Alsace sont détruits, et les paysans ayant pris part au soulèvement sont impitoyablement punis par les tribunaux locaux (de la peine de prison à la peine de mort).
Ainsi, ce massacre en règle de près de 10 pourcents de la population alsacienne marqua durablement les esprits et se transmit au fil des générations, alimentant les guerres de clochers bien longtemps après la fin de la guerre des Paysans. « Traitres » pour les paysans Alsaciens, félons pour le Duc de Lorraine, victimes eux même d’un soulèvement auquel ils prirent part.
Chronique réalisée par Les Historateurs. Présenté par Antoine, avec la participation de Hamza, Pierre-Edouard, Guillaume, Nicolas G, Nicolas D, Yann et Alexis.
"Les Historateurs" sont nés en décembre 2018 de la passion de 4 personnes pour l'histoire, l'exploration et le patrimoine.
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