Pénurie de soignants : ''ça devient insupportable et ingérable en termes de souffrances physiques et morales''


par Margot Benabbas
mardi 31 mai 2022 à 08:56

Pénurie de soignants : ''ça devient insupportable et ingérable en termes de souffrances physiques et morales''

On en parle énormément ces derniers jours et ça inquiète de plus en plus : la pénurie de soignants dans les hôpitaux. Un problème qui impacte les établissements de tout le pays où il manque entre autres des milliers d’infirmières.

Son N°1 - Pénurie de soignants : ''ça devient insupportable et ingérable en termes de souffrances physiques et morales''

Monique François - déléguée fédérale FO Santé Lorraine

Quelle est la situation dans la région ?

La situation dans les hôpitaux de la région est identique à celle dans la France entière. On a de grosses difficultés à recruter. Beaucoup de personnes quittent le service public malheureusement. Sur l’hôpital de Sarreguemines par exemple nous avons déposé au mois d’avril un préavis de grève par rapport aux urgences.

Ce service connaît une telle affluence et un tel manque de personnel qu’il nous faut des postes en plus. Nous en avons obtenu mais pour l’instant on a des difficultés de recrutement. L’été va être d’autant plus compliqué dans les autres services aussi ; le service de médecine de Bitche va passer à des journées de 12h par manque de personnel. Vous imaginez bien que faire des journées de 12h pour les personnels, avec en plus des arrêts maladies ou des départs, compliquera encore plus la situation.

La pénurie de soignants touche notamment les services des Urgences qui sont saturés. C’est également le cas dans les Urgences de nos hôpitaux ? Y a-t-il plus d’attente pour les patients ? De la fatigue pour les soignants ? 

Clairement. C’est pour ça qu'on avait déposé un préavis de grève parce que justement il y a une telle affluence, et un tel manque de personnel, que les agents sont rappelés en permanence et ça devient insupportable et ingérable en termes de souffrances physiques et morales.

Est-ce qu'on a une idées des professions les plus touchées ? Des secteurs les plus umpactés à l'hôpital en plus des urgences ? 

Les infirmières sont évidemment les postes les plus recherchés, mais cela touche tous les services. Au niveau de l’hôpital Robert Pax notamment, ça fait des mois qu'on a des lits fermés par absence et manque de personnel, notamment les infirmières. C’est le cas aussi à celui de Forbach, et sur le Centre Hospitalier Régional de Metz où il manque 150 infirmières.

Les chercheurs d’emploi ont le choix, donc ce sera à l’hôpital qui sera le plus attractif. On est aussi inquiet à cause de cette question des agents qui ne pourront pas prendre de vacances à cause du manque de personnel.

On craint que cet été la situation soit encore pire avec les congés notamment. Est-ce que vous avez peur que les soignants (qui sont déjà très fatigués) se voient refuser leurs congés ?

Je pense que tout le monde a conscience que refuser les congés n’est pas la solution, donc on restreint la période. Il est compliqué d’avoir huit jours de repos après avoir eu deux années de travail très difficiles. Une infirmière se verra certainement refuser par exemple trois semaines de congés. Si elle a déjà quinze jours ce sera énorme.

Cela crée alors des tensions au niveau des situations familiales parce que les soignants doivent être en permanence disponibles, même si on n’a pas de plan blanc. Cela n’est pas facile pour l’entourage car on a cette conscience de toujours vouloir bien faire son travail et d’être toujours disponible pour l’établissement.

Elisabeth Borne a déclaré il y a quelques jours que la Santé serait l’une des priorités de son gouvernement. Est-ce que vous y croyez ? Qu’attendez-vous des politiques ?

La première chose c’est qu’il faut augmenter les effectifs dans les IFSI. Il nous faut des bras dans les établissements c'est ce qu'on demande avant tout, et qu'on ne nous parle plus de réorganisations, ça fait 10 ans qu'on se réorganise. Il nous faut des personnels, pour que l’on puisse prendre en charge les patients de manière correcte et humaine.

J'insiste sur la dimension humaine car ce qui manque aujourd’hui c’est le lien avec les malades. On est tellement pris dans le tourbillon du moment qu’il est difficile de prendre en charge correctement les patients comme on le faisait il y a quinze ans. Désormais on fait le minimum je dirais, et ce n’est plus acceptable.


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