Épisode du jeudi 20 mars 2025 à 08:20
Le saviez-Vous ? Hònn ìhr daas gewìsst ?
Savez-vous des choses sur l’origine de nos villages ?
Dans cette rubrique je souhaite vous donner quelques informations sur les communes des auditeurs.
Je vais utiliser l’ordre alphabétique mais en mêlant les communes des différents cantons
Pour me documenter, j’ai bien sûr eu recours à Internet mais aussi aux ouvrages présents à la médiathèque communautaire de Sarreguemines et notamment les ouvrages suivants : Blasons populaires et autres survivances du Passé de Paul Rohr . Cet ouvrage récence les histoires, les anecdotes et surtout les surnoms et ritournelles satiriques des habitants de nos villages. J’ai utilisé aussi le dictionnaire étymologique des noms de lieux du département de la Moselle par Henri et Charles Hiegel publié en 1986. Et évidement les monographies des différentes communes pour compléter nos informations.
A
Je vais commencer par Achen dans le canton de Rohrbach les Bitche. Le village a la même étymologie que Aix la Chapelle, le nom étant dérivé de Aqua en latin signifiant « eau » et le village est cité la première fois sous le titre de Aquis en 1199.
En effet la Achernerbach , ruisseau de Achen traverse le village et un pont qu’il l’enjambe porte la statue de Saint Jean Némonucène, un martyr originaire de Prague au 14e siècle.
C’est à proximité de ce pont que se trouve le moulin Zoller, une des plus anciennes maisons paysannes encore debout et qui date de 1619 donc plus de 400 ans.
Pour surnommer les habitants, on dit les Achener Mitschel qui est à l’origine une pâte à pain qui enveloppe une pomme permettant de faire une pomme au four. C’est aussi le surnom pour désigner quelqu’un de petit et costaud. On a parlé aussi de Acherner Bärwle car beaucoup de filles portaient prénom de Barbe ou Barbara
Les habitants étaient aussi autrefois appelés péjorativement les Blotzerde c’est-à-dire les chassieux , terme pour désigner de personnes qui ont des infections au glandes lacrymales, et qui forment les petites croutes au niveau des yeux.
In Ache gibts nix ze mache ùnn nix ze crache: A Achen il n’y a rien à faire et rien à craquer, une formule triviale pour dire qu’à Achen on ne peut pas trouver son âme sœur , ce qui est bien sût totalement faux mais il faut se rappeler que ces ritournelles servaient de provocation des habitants des autres villages.
B
Nous continuons notre chronique avec Blies-Ebersing, canton de Sarreguemines
Le village est cité pour la première fois sous le titre de Ufversingen en 1273 puis Eversingen en 1303 et devrait son nom d’un homme germanique qui était installé là avec sa famille . Le personnage se nommait Ebergis ou Everis Le ING que l’on voit sur beaucoup de noms de lieux dans la région et décliné en ANGE dans le côté Ouest du département a une signification pour parler d’un groupe de personnes qui sont associés à un personnage la plupart du temps un homme qui est en quelque sorte le « Pater Familias » de ce groupe Je ne parle pas seulement de la famille mais aussi de tout son entourage, ses serviteurs et même ses voisins qui habitent dans une même localité. Dans l’ouest de la France on désigne parfois des annexes de communes sous le terme de « CHEZ » suivi d’un nom. Le ING et le ANGE dans le nom des communes correspond à cette manière de désigner un lieu dans la zone germanophone. Le nom du village ne serait donc pas dérivé de Eber donc le porc ou le sanglier même si le blason porte un sanglier comme animal totem mais bien du nom d’une personne.
Pour en revenir à Blies-Ebersing, les habitants étaient désignés par les habitants des villages autour de Wëlf, les loups, bref des gens un peu sauvages cela se retrouve dans beaucoup de sobriquets de Moselle mais aussi de Mohren, les truies. Bien sûr dans les modes de vie des villages agricoles, il y avait des élevages porcins partout. Chaque village avait d’ailleurs son porcher. Il n’empêche que le terme reste plutôt désobligeant. Les villages voisins n’étaient pas tendres avec ceux de Blies-Ebersing. Ils avaient d’ailleurs un 3e surnom de Gänserde, en français le Jar, le mâle de l’oie, animal qui était considéré comme sot ou niais tout le monde connaît l’expression sotte comme une oie.
Le village a comme annexes les fermes du Grand et Petit Wising déjà cité en 1536 sous le titre de Weisingen qui viendrait du nom germanique « Wiso »
C
Nous allons continuer avec le village de Cappel dans le canton de Freyming-Merlebach
Cité une première fois en 1423 sous le nom de Kapellen. Le nom est vraiment transparent puisqu’il fait référence à une chapelle qui était très certainement à l’emplacement de l’église actuelle consacrée à Saint Gengoulf. La première mention de l’église est de 1691, reconstruite en 1770 puis encore remaniée au 19e siècle.
Beaucoup d’anecdotes sur les habitants du village sont liées à l’histoire religieuse, un des surnoms provient d’une querelle du conseil municipal avec le maire contre le curé en 1852. Il se trouve que le curé s’appelait dicop ce qui signifie en français « Grosse tête »
Le maire et une partie du conseil municipal est venu en Sous-préfecture à Sarreguemines pour se plaindre de ce prêtre. C’était un peu comme les querelles qui ont été filmées dans les années 50 60 entre Dom Camillo et Peppone. Ce genre de querelles était très fréquent, en particulier entre 1802 et 1870 car les prêtres cherchaient à retrouver leur place dans les villages après période révolutionnaire où leurs biens religieux avaient été spoliés. Je connais assez bien cette Histoire car j’ai travaillé ce sujet en mémoire de maitrise. En Moselle il y a eu au moins 600 plaintes et conflits entre les municipalités et les prêtres. Pour en revenir à cette querelle entre la municipalité de Cappel et le curé Dicop. Le curé avait entendu que le maire s’était plaint en sous-prefecture et aurait ainsi durant l’homélie du dimanche tenu des propos assez insultants à l’égard du sous-préfet et des conseillers municipaux. Les mots rapportés sont les suivants : Le polisson de sous-préfet qui n’a ni dieu ni religion et vous conseillers municipaux, vous êtes des poltrons, des sots etc. »
Le Préfet demande au maire de Barst de mener une enquête sur place mais il fait son rapport que les habitants ont répondu qu’ils étaient bien à la messe mais ils n’avaient pas prêté attention à ce qui s’était dit, qu’ils n’avaient rien compris ou qu’ils ne souvenaient pas. Bref après cet épisode, les habitants eurent le surnoms de Diképp, à la synonyme de têtes dures mais aussi un jeu de mots avec le nom du curé Dicop.
Les habitants avaient encore d’autres surnoms comme les Robler donc des querelleurs en particulier avec des jeunes gens en dehors du village qui auraient des velléités de fréquenter des jeunes filles du village. Les querelles de bistro commençaient souvent avec ce pretexte.
Un autre surnom était aussi connu dans la région : Les habitants de Cappel étaient aussi appelés Buchbitte, il s’agit de désigner les cuves de lessive qui servaient à laver les vêtements autrefois avant les machines à laver. On ne sait pas s’il s’agissait de se moquer de la forte corpulence de certains hommes de Cappel, comparés aux barriques de lessive ou que ces hommes remplaçaient leurs épouses dans les travaux de lessive, ce qui pour l’époque passait pour ridicule.
F
Je souhaite vous parler aussi de Frauenberg
1371: Frowenburg, 1422: Frowenberg, 1429: Frouwenbourch, 1437: Frauenbourg, 1692: Frawbourg, 1702: Frawemberg, 1751: Fravenberg, 1756: Frauwemberg, 1793: Frauenberg, 1801: Fravenberg.
En quelque sorte le mont des femmes ou le château des femmes.
En allemand le nom de femme Frau est dérivé de la déesse Freya, Dans la mythologie nordique, Freyja appartient à la famille des dieux Vanes, et elle est fille de Njörd, dieu des océans, de la pêche et des poissons. Freyja est aussi la sœur jumelle de Freyr, dieu de la prospérité, avec lequel elle partage les attributs de fertilité en lien avec la vie, il est probable qu’en réalité Freya et Freir aient été considérés comme la part féminine et masculine de la fertilité.
Pour revenir à Frauenberg, le village d’origine se serait appelé Lenterdingen qui lui est mentionné à partir de 1273. Une chapelle y est attestée en 1534. L’origine de ce nom est un homme germanique appelé Lindhart. qui signifie grand ou fort tilleul.
Le château de Frauenberg (mentionné en 1370) appartint aux seigneurs de Sierck du XIVe siècle à 1471, puis aux seigneurs de Linange jusqu'au XVIe siècle ; il fut pris par les Suédois en 1633 et démantelé sur ordre de Richelieu et il est resté comme ruine depuis.
Il y avait autrefois une foire de la Saint Jacques le 26 juillet cette foire a attiré des marchands dont des familles juives dès le moyen âge et certains se sont installés avec l’accord des seigneurs locaux. La frontière permettait aussi à ces familles d’émigrer en cas de persécutions car il ne faut pas oublier que souvent ils n’étaient que tolérés, en Lorraine par exemple il existait une forme de quota du nombre de juifs pouvant y vivre. A certaines périodes, les familles juives représentaient jusqu’à un tiers de la population. Tout le monde dans la région connaît le cimetière israélite de Frauenberg. Et un certain nombre de familles illustres en sont issus comme la famille Lazard, à l’origine de la banque du même nom. Les habitants de Frauenberg étaient connus comme les Judestippler c’est-à-dire ceux qui provoquent les juifs.
Cela allait parfois jusqu’à l’injure par exemple à leur passage certains osaient dire Hep Hep Hep qui est un acronyme de Hierosolyma est Perdida , Jerusalem est perdue, une interjection qui date des croisades. Comme quoi nos histoires de villages nous rattachent à la Grand Histoire.
Chronique réalisée par Hiegel Bertrand, responsable du Francique, langues et patrimoine à la médiathèque de Sarreguemines.