Épisode du lundi 6 octobre 2025 à 09:45
Quand on évoque de grandes pierres dressées, on pense immédiatement à la Bretagne et ses menhirs, dolmens et autres cromlechs. Mais c’est oublier qu’un monolithe est entré dans l’imaginaire sarregueminois, le Muckelstein.
Le Muckelstein
En Europe, le mégalithisme apparaît dès le Néolithique ancien, à partir de 6000 av. J.-C. et revêt une importance très particulière pour ces populations. Il disparaît à l'âge du fer, vers – 800 av. J.-C. Les hommes du néolithique arpentent déjà les terres qui deviendront bien plus tard Sarreguemines. En effet, lors de la construction d’une maison rue Fulrad en 1928, on découvre des cendres et une amande de pierre servant à broyer des aliments, ce qui suggère une occupation antérieure à 2 000 ans avant J.C. Rien n’exclut que ces gens ont érigé des monolithes. Le folklore populaire a retenu la mémoire d’une de ces pierres.
Selon les anciens, un menhir, le Muckelstein, se dressait sur une île entre Sarre et Blies, ou au niveau de l’écluse actuelle, personne ne sait plus vraiment.
La légende du Muckelstein
L’étymologie de ce nom est incertaine, peut être de l’allemand Muckel signifiant boue. La légende fait remonter l’érection de ce monolithe à des temps très anciens, lorsque Noé débarqua de son arche. Trois jeunes femmes aux pouvoirs étranges l’ont érigé, pour protéger la contrée des épidémies, des sorcières et de la guerre, tant qu’il restera debout. Ces Vierges dévidaient le fil de leurs quenouilles pour tisser le destin des habitants. Mais un jour le menhir pencha dangereusement et, comme une funeste prophétie, la région fut ravagée par la guerre de 30 ans au XVIIe siècle. Mais le monolithe est redressé et Sarreguemines retrouve sa prospérité. Des témoins voyaient les trois jeunes filles danser autour du menhir et jouer des mélodies envoûtantes. Un jour vint, vers 1790, à Sarreguemines Monsieur Nicolas Henri Jacobi, qui entreprit d’importants travaux pour créer la première faïencerie de la ville. Les hautes cheminées des fours à faïences se dressent alors dans le ciel, crachant leurs noires fumées. Les trois jeunes filles, à cause de l’air empesté, délaissent l’île et le Muckelstein sombre alors dans l’oubli.
Interprétation
Cette histoire entremêle légende et éléments historiques. Elle évoque la mythologie gréco-romaine avec les Parques, 3 femmes qui tissaient la trame de la vie des mortels.
La légende du Muckelstein, selon laquelle le premier régisseur aurait établi l’usine à l’endroit où s’érigeait un menhir logeant des fées protectrices de la ville, constitue un bon exemple de tradition populaire locale qui s’est construite auprès d’un personnage historique. Selon les périodes, elle a été interprétée comme le signe d’une malédiction pesant sur la fabrique (le Muckelstein abattu, les fées chassées) ou, tout au contraire, comme un heureux présage : la faïencerie érigée en terrain élu des dieux.
Un fond de réalité ?
Cette pierre s’élevant sur une île pourrait être le souvenir d’un ancien pilier de pont qui, durant le Moyen Âge, franchissait la Sarre. Sur une carte ancienne de 1749, une île se trouve à proximité de la confluence entre la Sarre et la Blies, en face de l’ancien moulin à farine et à huile qui se situait au bout de la rue du moulin. Cette île a été enlevée lors des travaux de canalisation de la Sarre.
Quant à M. Jacobi, il est l’un des fondateurs de la faïencerie en 1790.
Chronique réalisée par Gilles Weiskircher.