Chronique végétale : le schnaps

La Mélodie Family

Chronique végétale : le schnaps

Chargement

Épisode du mercredi 22 janvier 2020 à 10:56

 Le schnaps

 

Histoires et anecdotes

Autrefois, les conditions de vie étaient beaucoup plus dures qu’aujourd’hui. Hors de question de laisser perdre quoique ce soit. Le moindre fruit, tombé, taché, était récupéré et mis en fermentation dans un fût jusqu’à l’hiver pour être distillé ensuite. C’est au schnaps qu’on va s’intéresser dans cette chronique, évidemment avec modération, et sans prendre le volant après.

Inventé en Égypte, il y a plus de deux mille ans, introduit en Europe par les Arabes, l’art de la distillation est très imprégné en Alsace Lorraine.

Le mot schnaps désigne dans les régions germanophones les eaux de vie. Le terme désigne une eau-de-vie transparente, distillée à partir de céréales, de racines ou de fruits, en particulier les cerises (Kirschwasser), les pommes, les poires (surtout la poire Williams), les mirabelles, les quetsches, les framboises. Le véritable schnaps ne reçoit aucune adjonction de sucre et n’est pas aromatisé.

Dans nos campagnes, l’alambic faisait banalement partie des équipements courants de la plupart des exploitations rurales et chacun distillait son schnaps, car le bouilleur de cru bénéficiait d’une franchise de 10 litres sans taxes. D’une contenance moyenne comprise entre 80 et 120 litres, maçonné à demeure dans une dépendance de l’exploitation, appelé Brannhiesla, l’alambic était chauffé au bois. Pour empêcher une utilisation frauduleuse hors campagne de distillation, obligation était faite au bouilleur de cru d’en déposer le chapiteau ou le col de cygne à la mairie de son domicile, avec une attestation de droit de distillation délivrée par les impôts.

Ces dix litres d’alcool étaient destinés à la consommation domestique, ils ne pouvaient être vendus. Je me rappelle encore de bons souvenirs en étant jeune, quand les anciens du village se réunissaient dans une cave, autour de l’alambic, pendant les journées d’hiver et discutaient du passé en attendant de goûter le nouveau schnaps.

En Alsace Moselle, La distillation traditionnelle du schnaps tend à se raréfier à mesure que disparaissent les anciens qui maîtrisaient le procédé, ainsi que les alambics itinérants traditionnels et à la suite du durcissement de la réglementation. Cette prestation peut encore être proposée par certains syndicats d’arboriculteurs qui disposent d’alambics mobiles ou fixes.

La distillation

C’est le sucre des fruits qui se transforme en alcool durant la fermentation. La fermentation s’établit rapidement sous l’action des levures naturelles des fruits.

Les fruits sont placés dans des fûts pour la fermentation (qui dure de 2 à 3 mois). Au moment voulu, le schnàpsbrenner (le bouilleur de cru) se présente avec son alambic pour la distillation. D’abord se déroulait une 1ʳᵉ distillation avec les fruits macérés. Après cette première distillation, l’alcool (le Rohbrand) était mis dans une bonbonne en attente. Pendant ce temps, la cuve à macérer était nettoyée (la mélasse était épandue ou donnée aux vaches et cochons) et puis une deuxième distillation s’opérait avec l’alcool de la première distillation. D’abord sortait le Vorlauf, très chargé en alcool, qui n’était pas consommé mais des personnes le gardait pour l’année d’après pour le remettre avec la deuxième distillation des fruits de l’année en cours. Puis le schnaps était récupéré, remis en bonbonne. Après la fin de la distillation, il restait le Nachlauf, minimement chargé en alcool mais utilisé pour le nettoyage des vitres par exemple.

Fraîchement distillée, l’eau de vie n’est pas encore consommable. C’est pour cela qu’elle est stockée pour maturation avant qu’on ne procède à sa réduction d’alcool et à l’embouteillage. La durée de stockage est le plus souvent comprise entre 6 à 12 mois, dans un endroit sombre et bien tempéré. Ainsi, l’eau de vie exprimera de nouveaux arômes tout en perdant son goût âpre. Elle sera plus douce, avec un bien meilleur goût et une légère perte par évaporation alimentera la part des anges.

Le schnaps était la base de nombreuses recettes, utilisé à la cuisine ou pour la fabrication des liqueurs de la grand-mère, mais aussi consommé souvent en « café schnaps » , un café arrosé genre irish coffee.


Le café-schnaps

 

C’est une tradition encore bien ancrée chez nous. Les aînés disaient, qu’additionné avec de l’alcool, le café pénétrerait plus vite dans l’organisme pour exercer son action diurétique et aussi de digérer plus vite, d’où son nom aussi de digestif.

Autrefois, un ami de la saison froide

Le schnaps tenait une place importante dans la pharmacopée familiale, pour soigner les hommes comme les animaux. Les médecins eux-mêmes le prescrivaient en compresses, en frictions et s’en servaient comme désinfectant. En hiver, un bon verre de schnaps avait la réputation de prévenir la grippe. Quand s’en manifestaient les premiers symptômes, la famille se réunissait pour déguster le contenu d’un plat creux rempli d’eau‑de‑vie que l’on allumait avec quelques morceaux de sucre (le brûlot).

Un dicton allemand ne dit-il pas qu’” Il y a plus de vieux buveurs de schnaps, que de vieux docteurs.”

Le schnaps a ainsi participé à la vie rurale autrefois, accompagnant l’homme dans la rudesse de l’hiver. L’hiver, ce breuvage réchauffait les hommes qui allaient couper des fagots pour allumer la cuisinière tous les matins, tout comme les veillées hivernales autour de la chaleur de l’alambic et ses effluves enivrantes. Encore aujourd’hui, son influence se fait sentir à table et ses effluves font partie de notre patrimoine et de nos traditions ancestrales. Prosit und a kleina schluck

Sources :

Café-Schnaps le retour !, P. Garnier, B. Hoffner, Horyzon, Strasbourg, 2015

https://www.arboschwin.com/index.php?page=disti_hq

 

Chronique réalisée par Gilles, ethnobotaniste et mycologue 


Un site fièrement propulsé par