À Goetzenbruck (Ep.3), est née la célèbre boule de Noël


par Camille Bazin
mercredi 7 juillet 2021 à 05:22

À Goetzenbruck (Ep.3), est née la célèbre boule de Noël

À l’occasion du tricentenaire de Goetzenbruck, nous avons décidé, toute cette semaine, de nous intéresser d’un peu plus près à cette commune de 1500 habitants.
Pour ce troisième épisode, Yann Grienenberger, le directeur du Centre International d’Art Verrier de Meisenthal, nous parle de l’histoire de la commune à travers son passé verrier.

La naissance de Goetzenbruck

L’histoire de Goetzenbruck commence il y a 300 ans, en 1721, date à laquelle une verrerie s’est implantée à cet endroit donnant ainsi naissance au village.

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À l’origine, les verriers, ce sont des populations nomades qui se déplacent de vallées en vallées, qui utilisent les ressources naturelles immédiates qu’ils peuvent puiser autour d’eux. Ces communautés, à partir du moment où au bout de quelques années, elles avaient utilisé toutes les ressources à 5kms autour du four de fusion, préféraient déménager le four et aller investir une vallée voisine. On a beaucoup d’implantations comme ça dans le Pays de Bitche et ce n'est qu’à l’aube du XVIIIe siècle, que les voies étant un peu plus carrossables et les moyens de transports un peu plus sérieux qu’on commence à sédentariser sérieusement des unités de production notamment dans des fonds de vallées. Meisenthal est créé en 1704, et 4 des fondateurs de la verrerie de Meisenthal, en 1721, sur les hauteurs de Meisenthal, décident de créer une verrerie qui allait donner naissance au village de Goetzenbruck.

À cette époque, les verreries ne fabriquent pas des objets de luxe ou de décoration comme elles le font aujourd’hui, mais plutôt des objets de nécessité courante comme des bocaux ou des bouteilles.

De multiples usages avant d’en arriver à un objet décoratif

Au fil des années, les techniques vont se développer et les verriers de Goetzenbruck vont commencer à souffler des boules pour fabriquer du verre bombé.

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C’est du verre, qu’on soufflait, pour fabriquer des verres de protection de montres ou d’instruments de mesure ou du verre de lunettes. Pour ce faire, on soufflait des boules de 10cm à près d’1m de diamètre, on les cassait en petits morceaux, on les découpait et on créait le verre bombé.

À partir de 1858, la verrerie Vergo, se met à produire des boules argentées.

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Elles n’étaient pas forcément tout de suite destinées à la décoration du sapin de Noël. Elles étaient destinées à plein d’usages incroyables. On mettait ça dans les jardins pour éloigner les oiseaux, elles servaient de boules de sorcières, on les plaçait devant les maisons pour faire peur aux mauvais esprits. Elles étaient utilisées par l’armée française qui en faisait des cibles dans la méditerranée pour faire des tests de missiles ou des tests de tirs pendant la nuit. Elles étaient aussi beaucoup utilisées en Inde ou en Thaïlande pour décorer les pagodes et les temples parce qu’il y a toute une tradition autour de la réflexion dans ces cultures-là. On les plaçait aussi dans les cages à oiseaux. On dit qu’un oiseau quand il est seul, il meurt d’ennui donc là avec son petit double, il avait l’impression de ne pas être seul. Les architectes s’en saisissaient aussi pour faire des décorations dans des salles de bal ou pour fabriquer des lampes.

Après l’annexion allemande, en 1870, la culture germanique va s’inviter dans les foyers et c’est là que les boules vont commencer à servir de décoration de Noël. La verrerie de Goetzenbruck en produira environ 250 000 exemplaires jusque dans les années 1960. En 1964, l’arrivée de la production verrière mécanisée et du plastique, vont entraîner la fin de Vergo et des boules de Noël argentées.

De Goetzenbruck à Meisenthal : l’histoire d’un savoir-faire transmis d’homme à homme

Peu après celle de Goetzenbruck, en 1969, la verrerie de Meisenthal va à son tour fermer ses portes. Mais c’était sans compter sur la motivation de bénévoles, de collectionneurs et d’érudits locaux qui vont se retrousser les manches pour donner un second souffle à ce lieu. En 1992, le Centre International d’Art Verrier va ouvrir pour sauvegarder et partager le savoir-faire traditionnel verrier propre à ce territoire.

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Dès les années 90, on a mis en place des séances de transmission de savoir-faire. On a invité d’anciens verriers retraités de Lalique, de Saint-Louis, de Goetzenbruck, de Montbronn, de la Cristallerie Lorraine de Lemberg pour qu’ils viennent sur quelques séances, en soirée, avec nos jeunes verriers, transmettre un peu leur savoir-faire. Dans le patois local on dit des knif, ces petits coups de pattes, ces choses qui s’échangent d’homme à homme au fond des ateliers, qui ne pourraient pas s’apprendre avec des tutaux sur internet ni avec un petit dessin parce que ce sont des choses qui se ressentent, qui sont de l’ordre de l’émotion, de la sensibilité. Sur ces soirées, on faisait des thématiques sur des objets, sur des techniques. En 1998, on a organisé plusieurs séances de transmission autour de la technique de soufflage et d’argenture des boules de Noël et je me rappelle très bien d’Ervine, Raymond et toute la bande, ces vétérans verriers qui avaient soufflé des boules avant 1964, donc je ne vous dis pas leur grand âge, qui sont venus vraiment avec fierté travailler avec nous, passer de belles soirées. Au-delà de ce beau souvenir, nos verriers ont alors été dépositaires de cet héritage. On s’est dit, que faire de ça ? On va le réinvestir un jour dans un projet contemporain. L’idée nous est venue un week-end de se dire relançons une petite production de quelques boules de Noël pour animer une saison qui de coutume était plutôt très calme au Pays de Bitche, c’est la saison hivernale. En 1999, je me rappelle, j’ai vendu les 50 premières boules de Noël qu’on avait édité.

Plus de vingt ans après, la boule de Noël de Meisenthal est un événement attendu avec impatience au moment des fêtes de Noël. Il s’en vend 60 000 chaque année.

Magma, la boule de Noël 2020 - Crédit photo : Guy Rebmeister

Une boule hommage pour le tricentenaire

À l’occasion du tricentenaire de Goetzenbruck, le CIAV a fabriqué une boule hommage. Petite, ronde et verte, un retour à la simplicité.

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Quoi de plus normal que de considérer la verrerie de Goetzenbruck comme l’aïeul des boules de Noël de Meisenthal, quoi de plus normal que d’honorer une histoire qui aujourd’hui certes perdure, mais qui n’aurait pas existé si des vaillants verriers, il y a plus de 150 ans, n’avaient pas créé ces boules de Noël. Donc, nous avons décidé de créer une série limitée de 600 boules de Noël argentées de diamètre 6cm qui rend hommage à cet anniversaire. Elle a plein de symboles, son petit cabochon en laiton sera marqué de la date anniversaire 1721-2021, sera réhaussé d’un décor qu’on a emprunté aux anciens décors des boules de Noël fabriquées à Goetzenbruck dans les années 1950. Autre symbole important, c’est que ce cabochon métallique est fabriqué à Goetzenbruck dans l’entreprise Modiqua. Si la boule est soufflée à Meisenthal, son argenture, est mise en œuvre chez Verrissima, encore une entreprise de Goetzenbruck qui a su sauvegarder le savoir-faire de miroitage. Autre symbole important, nous avons décidé de produire cette boule de Noël en couleur verte en référence à ce fameux waldglas, c’est ce vert des forêts qui était le verre originel qu’on fabriquait ici au Moyen-Age puisqu’on puisait directement le sable dans le lit des rivières, qu’il était très ferreux ce qui donnait ce petit aspect vert à la matière.

Cette boule est en vente à l’exposition consacrée au tricentenaire de Goetzenbruck et au CIAV de Meisenthal jusqu’à épuisement des stocks. 


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